Une décision fondatrice rendue dans l’affaire de la flottille pour Gaza

1. ÉLÉMENTS DE CONTEXTE

La Cour pénale internationale a rendu une décision inédite le 16 juillet 2015, dans le cadre de la mise en œuvre d’une disposition du Statut de Rome particulièrement intéressante. L’article 53§3-a du statut de Rome permet en effet à la chambre préliminaire, à la demande de l’entité ayant déféré la situation à la Cour, d’examiner la décision du Procureur de ne pas poursuivre, soit de ne pas ouvrir une enquête postérieurement à la phase procédurale de l’examen préliminaire. C’est la toute première fois que la Cour doit statuer sur ce mécanisme, dont la création avait été justifiée pour équilibrer les pouvoirs du Procureur en matière d’opportunité des poursuites. La chambre est donc soumise, comme toute institution judiciaire ayant à statuer sur des problématiques juridiques inédites, à l’aspiration d’adopter un raisonnement judiciaire dissertatif.

Le 14 mai 2013, le Bureau du Procureur ouvrait, sur renvoi comorien, un examen préliminaire de l’interception d’une flottille humanitaire par les forces armées israéliennes. Le 6 novembre 2014, le Procureur a rendu public un document de huit pages par lequel il concluait que les informations disponibles ne fournissaient pas de base raisonnable permettant d’ouvrir une enquête. Le 29 janvier 2015, les Comores ont soumis une requête visant la révision judiciaire de la décision du Procureur de ne pas poursuivre. Des échanges d’une grande importance, tant qualitative que quantitative, s’en suivent entre la chambre, les parties et les participants à la procédure[2]. La substance de ces échanges a été estimée suffisante par la chambre afin de prendre sa décision, au point qu’elle ait rejeté les requêtes des Comores visant d’une part la tenue d’une audience et, d’autre part, l’autorisation pour les Comores de répliquer à la réponse du Procureur.

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